Aller au contenu

Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/257

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— C’est toi qui m’en empêches, tu gâtes le métier de maître avec tes habitudes de douceur et tes conseils de fausse prudence. Ah ! ce n’est pas ainsi que mon père et mon grand-père menaient les serfs du père de notre seigneur.

— Vous ne vous souvenez donc pas, reprit Xenie d’une voix tremblante, que l’enfance de Fedor a été plus heureuse que celle des paysans ordinaires ; comment serait-il semblable aux autres ? son éducation fut d’abord soignée comme la mienne.

— Il devrait être meilleur ; il est pire : voilà le beau fruit de l’instruction… C’est ta faute ;… toi et ta nourrice vous l’attiriez sans cesse au château ; et moi, dans ma bonté, ne voulant que te complaire, j’oubliais et je lui laissais oublier qu’il n’était pas né pour vivre avec nous.

— Vous le lui avez cruellement rappelé dans la suite ! répliqua Xenie en soupirant.

— Tu as des idées qui ne sont pas russes ; tôt ou tard tu apprendras à tes dépens comment il fallait gouverner nos paysans. Puis, continuant entre ses dents : Ce diable de Fedor, qu’a-t-il fait pour revenir ici malgré mes lettres au prince ? C’est que le prince ne les lit pas,… et que l’intendant de là-bas est jaloux de moi. »

Xenie avait entendu l’aparté de Telenef et suivi avec anxiété les progrès du ressentiment du régisseur,