Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/259

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et sa femme a déjà un petit enfant ; ce bonheur doit adoucir son caractère : les enfants changent le cœur des pères.

— Tais-toi, tu me ferais perdre l’esprit avec tes idées romanesques. Va chercher dans les livres tes paysans tendres et tes esclaves généreux. Je connais mieux que toi les hommes auxquels j’ai affaire : ils sont paresseux, vindicatifs comme leurs pères, et tu ne les convertiras jamais.

— Si vous me laissiez faire, si vous m’aidiez, nous les convertirions ensemble. Mais voici ma bonne Élisabeth qui revient de la messe. »

En achevant ces mots, Xenie court se jeter au cou de sa nourrice.

— Te voilà bien heureuse !

— Peut-être, réplique tout bas la vieille.

— Il est revenu.

— Pas pour longtemps ; j’ai peur…

— Que veux-tu dire ?

— Ils ont tous perdu la raison ; mais chut !

— Eh bien ! la mère, dit Telenef en jetant à la vieille un regard oblique : voici ton mauvais sujet de fils rentré chez toi… Sa femme doit être contente. Ce retour vous prouve à tous que je ne lui en veux pas.

— Tant mieux, monsieur l’intendant, nous avons besoin de votre protection… Le prince va venir, et nous ne le connaissons pas.