Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/268

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barbarie, qui ne fut pas l’effet d’un simple caprice.

Xenie avait cru deviner la cause de la faute qui devint funeste à son frère ; elle s’imagina que Fedor était amoureux de Catherine, jeune et belle paysanne des environs ; et sitôt que le malheureux fut guéri de ses blessures, ce qui n’arriva qu’au bout de quelques semaines, car l’exécution avait été cruelle, elle s’occupa de réparer le mal autant que cela pouvait dépendre d’elle ; elle pensait que le seul moyen de réussir dans ce dessein était de le marier à la jeune fille dont elle le croyait épris. À peine ce projet eut il été annoncé par Xenie que la haine de Telenef parut se calmer : le mariage se fit en toute hâte à la grande satisfaction de Xenie, qui crut que Fedor trouverait dans le bonheur du cœur l’oubli de son profond chagrin et de ses ressentiments.

Elle se trompait : rien ne put consoler son frère. Elle seule devinait la honte dont il était accablé ; elle était sa confidente sans qu’il lui eût rien confié, car jamais il ne se plaignait ; d’ailleurs le traitement dont il s’était vu la victime était une chose si ordinaire que nul n’y attachait d’importance : hors lui et Xenie, personne n’y pensait dans le pays.

Il évitait avec un admirable instinct de fierté tout ce qui aurait pu rappeler ce qu’il avait souffert ; mais il fuyait involontairement en frissonnant lorsqu’il voyait qu’on allait frapper un de ses camarades, et