Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/27

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gouvernement était compliquée, la tête d’un homme n’y suffirait pas. »

J’étais surpris et flatté de ce ton de franchise ; l’Empereur, qui, mieux que personne, entend ce qu’on ne lui dit pas, continua en répondant à ma pensée : « Si je vous parle de la sorte, c’est parce que je sais que vous pouvez me comprendre : nous continuons l’œuvre de Pierre le Grand.

— Il n’est pas mort, Sire, son génie et sa volonté gouvernent encore la Russie. »

Quand on cause en public avec l’Empereur, un grand cercle de courtisans se forme à une distance respectueuse. De là, personne ne peut entendre ce que dit le maître sur lequel s’arrêtent cependant tous les regards.

Ce n’est pas le prince qui vous embarrasse quand il vous fait l’honneur de vous parler, c’est sa cour.

L’Empereur reprit : « Cette volonté est très-difficile à faire exécuter ; la soumission vous fait croire à l’uniformité chez nous : détrompez-vous ; il n’y a pas de pays où il y ait autant de diversité de races, de mœurs, de religion et d’esprit qu’en Russie. La variété demeure au fond, l’uniformité est à la superficie : et l’unité n’est qu’apparente. Vous voyez là près de nous vingt officiers : les deux premiers seuls sont Russes, les trois suivants sont des Polonais réconci-