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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/270

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Fedor désespéré sentit trop tard qu’avec toute son amitié, Xenie n’avait rien fait pour lui. Ne pouvant plus supporter la vie dans les lieux témoins de sa dégradation, il quitta son village, abandonnant sa femme et son ange gardien.

Sa femme se sentait humiliée, mais par un autre motif : l’épouse rougit de honte quand l’époux n’est point heureux ; aussi s’était-elle gardée de lui dire qu’elle était grosse ; elle ne voulait pas employer ce moyen pour retenir près d’elle un époux dont elle voyait qu’elle ne pouvait faire le bonheur.

Enfin, après un an d’absence, il revient. Il a retrouvé sa mère, sa femme, un enfant au berceau, un petit ange qui lui ressemble ; mais rien ne peut guérir la tristesse qui le ronge. Il reste là immobile et silencieux, même devant sa sœur Xenie qu’il n’ose plus nommer que mademoiselle.

Leurs nobles figures qui, selon le dire de la nourrice, avaient quelques traits de ressemblance ainsi que leurs caractères, brillaient toutes deux au soleil du matin parmi des groupes d’animaux dont ils semblaient les rois. On eût cru voir Adam et Ève peints par Albert Durer. Xenie était calme et presque joyeuse, tandis que la physionomie du jeune homme trahissait de violentes émotions mal déguisées sous une impassibilité affectée.

Xenie, malgré son sûr instinct de femme, fut