Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/272

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retour, n’avait vu que sa nourrice et pensé qu’à son frère.

Un soir, elle était seule au château ; son père, sorti depuis le matin, avait fait dire qu’on ne l’attendît pas pour la nuit. Xenie, habituée à ces voyages, n’avait nul souci de l’absence de Telenef ; l’étendue des domaines qu’il régissait l’obligeait à se déplacer souvent, et pour un temps assez long. Elle lisait. Tout à coup sa nourrice se présente devant elle.

« Que me veux-tu si tard ? lui dit Xenie.

— Venez prendre votre thé chez nous, je vous l’ai préparé, répliqua la nourrice[1] d’un air indifférent.

— Je ne suis pas habituée à sortir à cette heure. Il faut pourtant sortir aujourd’hui. Venez ; que craignez-vous avec moi ? »

Xenie, accoutumée à la taciturnité des paysans russes, pense que sa nourrice lui a préparé quelque surprise. Elle se lève et suit la vieille.

  1. Les plus pauvres des Russes ont une théière, une bouilloire de cuivre, et prennent du thé, matin et soir, en famille, dans des chaumières dont les murs et les plafonds sont des madriers de bois de sapin brut entaillés aux extrémités pour entrer l’un dans l’autre en formant les angles de l’édifice ; ces solives assez mal jointes sont calfeutrées de mousse et de goudron : vous voyez que la rusticité de l’habitation contraste d’une manière frappante avec l’élégance et la délicatesse du breuvage qu’on y prend. (Note du Voyageur.)