Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/273

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Le village était désert. D’abord Xenie le crut endormi ; la nuit, parfaitement calme, n’était pas très obscure ; aucun souffle de vent n’agitait les saules du marécage ni ne courbait les grandes herbes de la prairie ; pas un nuage ne voilait les pâles étoiles. On n’entendait ni l’aboiement lointain du chien ni le bêlement de l’agneau ; la cavale ne hennissait pas en galopant derrière les lisses de son parc ; le bœuf avait cessé de mugir sous le toit des chaudes étables ; le pâtre ne chantait plus sa note mélancolique, pareille à la tenue qui précède la cadence du rossignol : un silence plus profond que le silence ordinaire de la nuit régnait dans la plaine, et pesait sur le cœur de Xenie qui commençait à éprouver des mouvements de terreur indéfinissables, sans oser hasarder une question. L’ange de la mort a-t-il passé sur Vologda ? pensait tout bas la tremblante jeune fille…

Une lueur soudaine apparaît à l’horizon.

« D’où vient cette clarté ? s’écrie Xenie épouvantée.

— Je ne sais, réplique la vieille en hésitant ; ce sont peut-être les derniers rayons du jour.

— Non, dit Xenie, un village brûle.

— Un château, répond Élisabeth d’un son de voix caverneux ; c’est le tour des seigneurs.

— Que veux-tu dire ? reprend Xenie en saisissant avec effroi le bras de sa nourrice ; les sinis-