Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/281

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sang. « C’est toi, père, dit Fedor en s’avançant au devant de l’étranger : tu viens seul ?

— Non pas ; un détachement de nos gens est là qui m’attend devant la porte… Pas de lumière ?

— Je vais t’en donner, répond Fedor en montant les marches du petit escalier qu’il redescend à l’instant pour aller rallumer à la lampe de la madone celle qu’il vient de retirer des mains tremblantes de sa mère ; il n’a fait qu’entr’ouvrir la porte contre laquelle les deux femmes restent appuyées pour mieux écouter.

— Tu veux du thé, père ?

— Oui.

— En voici. »

Le nouveau venu se mit à vider par petites gorgées la tasse que lui présentait Fedor.

Cet homme portait une marque de commandement sur la poitrine : vêtu comme les autres paysans, il était armé d’un sabre nu et ensanglanté ; sa barbe épaisse et rousse lui donnait un air dur que ne tempérait nullement son regard de bête sauvage. Ce regard, qui ne peut se fixer sur rien, est fréquent parmi les Russes, excepté chez ceux qui sont tout à fait abrutis par l’esclavage ; ceux-ci ont des yeux sans regard. Sa taille n’était pas haute, il avait le corps trapu, le nez camus, le front bombé, mais bas ; les pommettes de ses joues étaient très-saillantes et