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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/299

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sont la fortune du maître. Les riches domaines du prince*** sont devenus solitaires.

Fedor, avec sa mère et sa femme, a été forcé de suivre en Sibérie les habitants de son village déserté.

Au moment du départ des exilés, Xenie assistait à la scène, mais sans dire adieu, car ce nouveau malheur ne lui a pas rendu un éclair de raison.

À ce moment fatal, un événement inattendu aggrava cruellement la douleur de Fedor et de sa famille. Déjà sa femme et sa mère étaient sur la charrette ; il allait y monter pour les suivre et quitter à jamais Vologda ; mais il ne voyait que Xenie, il ne souffrait que pour sa sœur, orpheline, privée de sentiment ou du moins de mémoire, et qu’il abandonnait sur les cendres encore tièdes de leur hameau natal. À présent qu’elle a besoin de tout le monde, pensait-il, des étrangers vont être ses seuls protecteurs ; et le désespoir tarissait ses larmes. Un cri déchirant parti de la charrette le rappelle auprès de sa femme, qu’il trouve évanouie ; un des soldats de l’escorte venait d’emporter l’enfant de Fedor.

« Que vas-tu faire ? s’écrie le père ivre de douleur.

— Le poser là, le long du chemin, pour qu’on l’enterre ; ne vois-tu pas qu’il est mort ? reprend le Cosaque.

— Je veux l’emporter, moi !