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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/300

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— Tu ne l’emporteras pas. »

En ce moment, d’autres soldats attirés par le bruit s’emparent de Fedor, qui, cédant à la force, tombe dans la stupeur, puis il pleure, il supplie : « Il n’est pas mort, il n’est qu’évanoui, laissez-moi l’embrasser. Je vous promets, dit-il en sanglotant, de renoncer à l’emporter si son cœur ne bat plus. Vous avez peut-être un fils, vous avez un père ; ayez pitié de moi, » disait le malheureux jeune homme, vaincu par tant de douleurs ! Le Cosaque attendri lui rend son enfant : à peine le père a-t-il touché ce corps glacé que ses cheveux se hérissent sur son front : il jette les yeux autour de lui, ses regards rencontrent le regard inspiré de Xenie : ni le malheur, ni l’injustice, ni la mort, ni la folie, rien sur la terre n’empêche ces deux cœurs nés pour s’entendre de se deviner : Dieu le veut.

Fedor fait un signe à Xenie, les soldats respectent la pauvre insensée, qui s’avance et reçoit le corps de l’enfant des mains du père, mais toujours en silence. Alors la fille de Telenef, sans proférer une parole, ôte son voile pour le donner à Fedor, puis elle presse le petit corps dans ses bras. Chargée de son pieux fardeau, elle reste là debout, immobile, jusqu’à ce qu’elle ait vu son bien-aimé frère, assis entre une mère qui pleure et une épouse mourante, s’éloigner pour toujours. Elle suit longtemps de l’œil le convoi des