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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/301

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mugics déportés ; enfin quand le dernier chariot a disparu sur la route de Sibérie, quand elle est seule, elle emporte l’enfant et se met à jouer avec cette froide dépouille en lui donnant les soins les plus ingénieux et les plus tendres.

Il n’est donc pas mort ! disaient les assistants ; il va renaître, elle le ressuscitera !…

Puissance de l’amour !… qui peut vous assigner des bornes ?

La mère de Fedor se reprochait sans cesse de n’avoir pas retenu Xenie dans la chaumière du vieil insensé : « elle n’aurait pas du moins été forcée d’as sister au supplice de son père, disait la bonne Élisabeth.

— Vous lui auriez conservé la raison pour souffrir davantage, » répondait Fedor à sa mère, et leur morne silence recommençait.

La pauvre vieille femme parut longtemps résignée ; ni les massacres ni l’incendie ne lui avaient arraché une plainte ; mais lorsqu’il fallut subir avec les autres Vologdiens la peine de l’exil, quitter la cabane où son fils était né, où le père de son fils était mort, lorsqu’on l’obligea d’abandonner son frère en démence, elle perdit courage : la force lui manqua tout à fait ; elle se cramponnait aux madriers de leur chaumière, baisant, arrachant dans son désespoir la mousse goudronnée qui calfeutrait les fentes du bois.