Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/326

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prétexte honnête pour gêner les mouvements du voyageur et pour borner la licence de ses observations. On vous fait soi-disant les honneurs du pays, et, grâce à cette fastidieuse politesse, l’observateur ne peut visiter les lieux, examiner les choses qu’avec un guide ; n’étant jamais seul, il a plus de peine à juger d’après lui-même, et c’est ce qu’on veut. Pour entrer en Russie, il faut déposer, avec votre passe-port, votre libre arbitre à la frontière. Voulez vous voir les curiosités d’un palais ? on vous donnera un chambellan qui vous en fera les honneurs du haut en bas, et vous forcera par sa présence à observer chaque chose en détail, c’est-à-dire à ne voir que de son point de vue et à tout admirer sans choix. Voulez-vous parcourir un camp, qui n’a d’autre intérêt pour vous que le site des baraques, l’aspect pittoresque des uniformes, la beauté des chevaux, la tenue du soldat sous la tente ? un officier, quelquefois un général, vous accompagnera : un hôpital ? le médecin en chef vous escortera : une forteresse ? le gouverneur vous la montrera ou plutôt vous la cachera poliment : une école, un établissement public quelconque ? le directeur, l’inspecteur sera prévenu de votre visite, vous le trouverez sous les armes, et l’esprit bien préparé à braver votre examen : un édifice ? l’architecte vous en fera parcourir toutes les parties, et vous expliquera de lui-même tout ce que