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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/328

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chaque pas, est ce qui caractérise l’Empire russe.

La demi-civilisation procède par des formalités ; une civilisation raffinée les fait disparaître ; c’est ainsi que la politesse parfaite exclut les façons.

Les Russes sont encore persuadés de l’efficacité du mensonge : et cette illusion m’étonne de la part de gens qui en ont tant usé….. Ce n’est pas que leur esprit manque de finesse et de compréhension ; mais dans un pays où les gouvernants n’ont pas encore compris les avantages de la liberté même pour eux, les gouvernés doivent reculer devant les inconvénients immédiats de la sincérité. On est forcé de le répéter à chaque instant : ici, peuples et grands, tous nous rappellent les Grecs du Bas-Empire.

Je ne suis peut-être pas assez reconnaissant des soins dont ce peuple affecte d’entourer un étranger connu ; c’est que je vois le fond des pensées et que je me dis malgré moi : tout cet empressement montre moins de bienveillance qu’il ne trahit d’inquiétude, On veut, d’après le judicieux précepte de Monomaque[1], que l’étranger sorte content du pays.

Ce n’est pas que le vrai pays se soucie de ce qu’on dit et pense de lui ; mais quelques familles prépondérantes sont travaillées du puéril désir de refaire en Europe la réputation de la Russie.

Si je regarde plus avant, j’aperçois sous le voile

  1. Voyez le résumé du voyage, tome IV.