Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/329

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dont on se plaît à couvrir les objets le goût du mystère pour le mystère même ; c’est un effet de l’habitude et de la complexion….. Ici la réserve est à l’ordre du jour comme l’imprudence l’est à Paris.

En Russie, le secret préside à tout : secret administratif, politique, social ; discrétion utile et inutile, silence superflu pour assurer le nécessaire ; telles sont les inévitables conséquences du caractère primitif de ces hommes, corroboré par l’influence de leur gouvernement. Tout voyageur est un indiscret ; il faut le plus poliment possible garder à vue l’étranger toujours trop curieux, de peur qu’il ne voie les choses telles qu’elles sont, ce qui serait la plus grande des inconvenances[1]. Bref, les Russes sont des Chinois déguisés ; ils ne veulent pas avouer leur aversion pour les observateurs venus de loin, mais s’ils osaient braver, ainsi que les vrais Chinois, le reproche de barbarie, ils nous refuseraient l’entrée de Pétersbourg comme on nous exclut de Pékin, et ils n’admettraient chez eux que les gens de métiers, en ayant soin ne plus permettre à l’ouvrier qui serait reçu de retourner dans son pays. Vous voyez pourquoi l’hospitalité russe trop vantée m’importune plus qu’elle ne me flatte et ne me touche ; on m’enchaîne sous prétexte de me protéger ; mais de toutes les espèces de gênes, la plus insupportable me paraît celle dont je

  1. Voyez la réfutation de M. Gretch.