Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/331

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jamais m’inspirer de sécurité ni de bienveillance. Mais cet esprit demeure caché aux étrangers comme tout le reste. Si je séjournais ici un peu de temps, j’arracherais leur masque à ces marionnettes ; car je m’ennuie de les voir copier les grimaces françaises. À mon âge on n’a plus rien à apprendre de l’affectation ; la vérité seule intéresse toujours parce qu’elle instruit ; elle seule est toujours nouvelle.

Voilà donc pourquoi j’ai profité le moins possible de l’hospitalité des gens du grand monde ; c’est bien assez de subir l’indispensable hospitalité des administrateurs et des employés de tous grades ; cette surveillance, qu’on s’efforce de décorer d’un nom patriarcal, me rebute comme l’hypocrisie. Parlez-moi des pays où l’hospitalité n’est pas un impôt régulier ! celle qu’on y reçoit a le prix d’une faveur :

J’ai remarqué dès le premier abord que tout Russe des basses classes, soupçonneux par nature, déteste les étrangers par ignorance, par préjugé national ; j’ai trouvé ensuite que tout Russe des classes élevées, également soupçonneux, les craint parce qu’il les croit hostiles ; il dit : « Les Français, les Anglais, sont persuadés de leur supériorité sur tous les peuples : » ce motif suffit au Russe pour haïr l’étranger, comme en France le provincial se défie du Parisien. Une jalousie sauvage, une envie puérile, mais impossible à désarmer, domine la plupart des Russes dans