Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/332

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leurs rapports avec les hommes des autres pays ; et comme vous sentez partout cette disposition peu sociable, vous finissez, tout en vous en plaignant, par partager la méfiance que vous inspirez. Vous concluez qu’une confiance qui ne devient jamais réciproque est de la duperie, et dès lors vous restez froid, réservé, comme les cœurs au fond desquels vous lisez malgré vous et malgré eux.

Le caractère russe, sous beaucoup de rapports, est le contraire du caractère allemand. Voilà pourquoi les Russes disent qu’ils ressemblent aux Français ; mais cette analogie n’est qu’apparente : dans le fond des âmes il y a une grande dissemblance. Vous pouvez admirer si bon vous semble, en Russie, la pompe, la dignité orientale, vous y pouvez étudier l’astuce grecque : gardez-vous d’y chercher la naïveté gauloise, la sociabilité, l’amabilité des Français quand ils sont naturels ; vous y trouveriez encore moins, je l’avoue, la bonne foi, la solidité d’instruction, la cordialité germaniques. En Russie on rencontrera de la bonté, puisqu’il y en a partout où il y a des hommes ; mais on n’y rencontrera jamais de la bonhomie.

Tout Russe est né imitateur, donc il est observateur avant tout, et même, pour tout dire, ce talent, qui est celui des peuples enfants, dégénère souvent en un espionage assez bas ; il produit des questions importunes, impolies et qui deviennent choquantes