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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/341

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perdre tout ce que j’avais gagné par le raisonnement : des palais antiques pour servir de casernes à des Finois ; des colonnes, des corniches, des frontons, des péristyles romains sous le pôle, et ces choses à refaire chaque année en beau plâtre blanc : vous conviendrez qu’une telle parodie de la Grèce et de l’Italie, moins le marbre et le soleil, peut bien me rendre toute ma colère ; d’ailleurs je renonce avec d’autant plus de résignation au titre de voyageur impartial, que je suis persuadé que j’y ai droit.

Vous me menaceriez de la Sibérie, que vous ne m’empêcheriez pas de répéter que le manque de bon sens dans l’ensemble d’un monument, de fini et d’harmonie dans les détails, est insupportable. En architecture, le génie sert à trouver le moyen le plus court et le plus simple d’adapter les édifices à l’usage auquel on les destine. Or, devinez, je vous prie, à quelle fin des hommes de bon sens ont entassé tant de pilastres, d’arcades et de colonnades dans un pays qu’on ne peut habiter qu’avec de doubles châssis aux fenêtres hermétiquement closes pendant neuf mois de l’année. À Pétersbourg, c’est sous des remparts qu’il faudrait se promener, non sous des péristyles aériens. Que ne bâtissez-vous des tunnels et des galeries voûtées pour servir de vestibules, d’ouvrages avancés, de défense à vos palais[1] ? Le ciel est votre ennemi,

  1. Voyez la description de Moscou.