Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/364

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glais. Cette partie de la ville ressemble à une colonie : c’est la cité des fabricants.

Comme un homme n’est apprécié ici que d’après ses rapports avec le gouvernement, la présence du feldjæger sur ma voiture produisait beaucoup d’effet. Cette marque de protection suprême faisait de moi un personnage, et mon propre cocher, qui me mène depuis que je suis à Pétersbourg, paraissait s’enorgueillir soudain de la dignité trop longtemps ignorée de son maître : il me regardait avec un respect qu’il ne m’avait jamais témoigné : on eût dit qu’il voulait me dédommager de tous les honneurs dont jusqu’alors il m’avait privé mentalement par ignorance. Les paysans à pied, les cochers de drowska et les charretiers, tout le monde subissait la magique influence de mon sous-officier : celui-ci n’avait pas besoin de montrer son cantchou, d’un signe du doigt il écartait les embarras comme par magie : et la foule, ordinairement assez peu pliable, était devenue pareille à un banc d’anguilles au fond d’un vivier où elles se tordent en tout sens, s’écartent rapidement, s’anéantissent, pour ainsi dire, afin d’éviter la fouine qu’elles ont aperçue de loin dans la main du pêcheur ; ainsi faisaient les hommes à l’approche de mon sous-officier.

Je remarquais avec épouvante l’efficacité merveilleuse de ce pouvoir chargé de me protéger, et je pensais qu’il se ferait obéir avec la même ponctualité s’il re-