Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/370

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

j’y pénètre et me crois dans la chambre principale de quelque bateau plat naviguant sur une rivière : je me crois aussi dans un tonneau ; tout est en bois ; les murs, le plafond, le plancher, les siéges, la table, ne sont qu’un assemblage de madriers et de douves de diverses longueurs et grossièrement travaillés. L’odeur du chou aigre et de la poix domine toujours.

Dans ce réduit presque privé d’air et de lumière, car les portes en sont basses et les fenêtres petites comme des lucarnes, j’aperçois une vieille femme occupée à servir du thé à quatre ou cinq paysans barbus, couverts de pelisses de mouton dont la laine est tournée en dedans (il fait assez froid déjà depuis quelques jours, le 1er août) ; ces hommes, de petite taille pour la plupart, sont assis à une table ; leur pelisse de cuir drape l’homme de plusieurs manières, elle a du style. Sur la table brille une bouilloire en cuivre jaune et une théière. Le thé est toujours de bonne qualité, fait avec soin, et si l’on ne veut pas le boire pur, on trouve partout du bon lait. Cet élégant breuvage, servi dans des bouges meublés comme des granges, je dis granges pour m’exprimer poliment, me rappelle le chocolat des Espagnols. C’est un des mille contrastes dont le voyageur est frappé à chaque pas qu’il fait chez ces deux peuples également singuliers dans des genres aussi différents que les climats qu’ils habitent.