Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/372

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lieux qu’ils habitent et le pays qu’ils cultivent sont différents du reste de l’Europe. Tout est nouveau ici pour un étranger. Les personnes y ont un certain charme qu’on sent et qui ne s’exprime pas : c’est la langueur orientale jointe à la rêverie romantique des peuples du Nord ; et tout cela sur une forme inculte, mais noble, qui lui donne l’agrément des dons primitifs. Ce peuple inspire beaucoup d’intérêt sans confiance : c’est encore une nuance de sentiment que j’ai appris à connaître ici. Les hommes du peuple en Russie sont des fourbes amusants. On pourrait les mener loin si on ne les trompait pas ; mais les paysans, lorsqu’ils voient que leurs maîtres ou les agents de leurs maîtres mentent plus qu’eux, s’abrutissent dans la ruse et la bassesse. Il faut valoir quelque chose pour savoir civiliser un peuple : la barbarie du serf accuse la corruption du seigneur.

Si vous êtes étonné de la malveillance de mes jugements, je vous étonnerai davantage en ajoutant que je ne fais qu’exprimer l’opinion générale, seulement je dis ingénument ce que tout le monde ici dissimule avec une prudence que vous cesseriez de mépriser si vous voyiez comme moi à quel point cette vertu, qui en exclut tant d’autres, est nécessaire à qui veut vivre en Russie.

La malpropreté est grande en ce pays ; mais celle des maisons et des habits me frappe plus que celle