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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/379

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ses regards mêmes étaient fixes. Si j’avais pu soupçonner qu’il y eût au fond de ce singulier accueil de la timidité, j’aurais éprouvé de la sympathie ; je ne sentis que de l’étonnement : mon sentiment en pareil cas ne me trompe guère, car je me connais en timidité.

Mon hôte me laissa contempler à loisir cette curieuse pagode, qui me prouva ce que je savais, c’est que les femmes du Nord sont rarement naturelles, et que leur affectation est quelquefois si grande qu’elle n’a pas besoin de paroles pour se trahir ; ce brave ingénieur me parut flatté de l’effet que son épouse produisait sur un étranger ; il prenait mon ébahissement pour de l’admiration, cependant, voulant remplir sa charge en conscience, il finit par me dire : « Je regrette de vous presser de sortir, mais nous n’avons pas trop de temps pour visiter les travaux que j’ai reçu l’ordre de vous montrer en détail. »

J’avais prévu le coup sans pouvoir le parer, je le reçus avec résignation et me laissai conduire d’écluses en écluses, toujours pensant avec un inutile regret à cette forteresse, tombeau du jeune Ivan dont on ne voulait pas me laisser approcher. J’avais sans cesse présent à la pensée ce but non avoué de ma course : vous verrez bientôt comment il fut atteint.

Le nombre de quartiers de granit que j’ai vus pendant cette matinée, de vannes enchâssées dans des