Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/391

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lui-même, et tomber en ruine l’édifice du despotisme ; tout peut se défendre par de belles paroles et même par de bonnes raisons ; les arguments ne manquent à pas une des opinions qui divisent le monde politique, littéraire et religieux ; mais on dira ce qu’on voudra, un régime dont la violence exige qu’on le soutienne par de tels moyens est un régime profondément vicieux.

Les victimes de cette odieuse politique ne sont plus des hommes : ces infortunés, déchus du droit commun, croupissent étrangers au monde, oubliés de tous ; abandonnés d’eux-mêmes dans la nuit de leur captivité, où l’imbécillité devient le fruit et la dernière consolation d’un ennui sans terme ; ils ont perdu la mémoire et jusqu’à la raison, cette lumière humaine qu’aucun homme n’a le droit d’éteindre dans l’âme de son semblable. Ils ont oublié même leur nom, que les gardiens s’amusent à leur demander, par une dérision brutale et toujours impunie ; car il règne au fond de ces abîmes d’iniquité un tel désordre, les ténèbres y sont si épaisses, que les traces de toute justice s’y effacent[1].

  1. Pour réfuter ces faits et beaucoup d’autres du même genre, les Russes ont coutume d’employer un singulier argument. Ils disent : « Ce voyageur a été dupe des mystificateurs qui pullulent chez nous. »
      Cette justification n’est-elle pas caractéristique ? Dans quel autre