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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/403

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ans ; cette conviction a fini par me faire sentir mon isolement en leur présence, au point de regretter la bonhomie des esprits moins difficiles à émouvoir et à satisfaire ; j’ai presque dit : la crédulité des sots !… voilà où m’a réduit la malveillance trop visible des Russes de province. Ce que j’en ai vu à Schlusselbourg ne me fera pas rechercher les occasions d’affronter des interrogatoires tels que ceux que j’ai subis dans cette société-là. De pareils salons ressemblent à des champs de bataille. Le grand monde avec tous ses vices me paraît valoir mieux que ce petit monde avec ses vertus.

Revenu à Pétersbourg à trois heures après minuit, j’avais fait dans ma journée à peu près trente-six lieues par des chemins sableux ou fangeux, avec deux attelages de chevaux de remise.

Ce qu’on fait faire aux bêtes en ce pays est en pro portion de ce qu’on exige des hommes : les chevaux russes ne durent guère plus de huit à dix ans. Il faut convenir que le pavé de Pétersbourg est funeste aux animaux, aux voitures et même aux personnes ; dès que vous sortez des incrustations de bois qui n’existent que dans un petit nombre de rues, la tête vous fend. Il est vrai que les Russes, qui mettent beaucoup de luxe aux choses mal faites, dessinent sur leur détestable pavé de beaux compartiments en grosses pierres, ornement qui accroît encore le mal, car il rend les