Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/63

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n’était que le résultat de ce que j’avais entendu dire de lui avant de lui être présenté, car l’impression que me causaient sa personne et ses discours était toute à son avantage ; ou trouvait-il divertissant de causer quelques instants avec un homme différent de ceux qui lui passent tous les jours devant les yeux ; ou bien ma dame de*** avait-elle influé favorablement pour moi sur son esprit ? je ne saurais m’expliquer nettement à moi-même la vraie cause de tant de grâce.

L’Empereur n’est pas seulement habitué à commander aux actions, il sait régner sur les cœurs ; peut-être a-t-il voulu conquérir le mien ; peut-être les glaces de ma timidité servaient-elles de stimulant à son amour-propre : l’envie de plaire lui est naturelle. Forcer l’admiration, c’est encore se faire obéir. Peut être avait-il le désir d’essayer son pouvoir sur un étranger ; peut-être enfin était-ce l’instinct d’un homme longtemps privé de la vérité, et qui croit rencontrer une fois un caractère véridique. Je vous le répète, j’ignore ses vrais motifs ; mais ce que je sais, c’est que ce soir-là je ne pouvais me trouver sur son passage, ni même dans un coin retiré de l’enceinte où il se tenait, sans qu’il m’obligeât à venir causer avec lui. En me voyant rentrer dans le bal, il me dit : Qu’avez-vous fait ce matin ?

— Sire, j’ai vu le cabinet d’histoire naturelle et le fameux Mammouth de Sibérie.