Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/66

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flatteuse parce qu’elle n’avait pas été comprise dans le sens du mot poëte en latin ; à la cour on a coutume de regarder la poésie comme un jeu d’esprit ; il aurait fallu entamer une discussion afin de prouver qu’elle est la plus pure et la plus vive lumière de l’âme ; j’aimai mieux garder le silence : mais l’Empereur ne voulant pas sans doute, en s’éloignant de moi, me laisser le regret d’avoir pu lui déplaire, me retint encore longtemps au grand étonnement de la cour ; il reprit la conversation avec une bonté charmante.

« Quel est décidément votre plan de voyage ? me dit-il.

— Sire, après la fête de Péterhoff je compte partir pour Moscou, d’où j’irai voir la foire de Nijni, mais à temps pour être de retour à Moscou avant l’arrivée de Votre Majesté.

— Je serais bien aise que vous pussiez examiner en détail mes travaux du Kremlin : je vous expliquerai moi-même tous mes plans pour l’embellissement de cette partie de Moscou, que nous regardons comme le berceau de l’Empire. Mais vous n’avez pas de temps à perdre, car vous avez d’immenses espaces à parcourir ; les distances, voilà le fléau de la Russie.

— Sire, ne vous en plaignez pas ; ce sont des cadres à remplir, ailleurs la terre manque aux hommes ; elle ne vous manquera jamais.

— Le temps me manque.