Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/67

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— L’avenir est à vous.

— On me connaît bien peu quand on me reproche mon ambition et le désir de m’agrandir ; loin de chercher à étendre notre territoire, je voudrais pouvoir resserrer autour de moi la population de la Russie tout entière. C’est uniquement sur la misère et la barbarie que je veux faire des conquêtes : améliorer le sort des Russes, ce serait mieux que d’acquérir de nouvelles provinces ! Si vous saviez quel bon peuple est le peuple russe !!… comme il a de la douceur, comme il est naturellement aimable et poli !… Vous le verrez à Péterhoff ; mais c’est surtout ici au 1er janvier que je voudrais vous le montrer. » Puis, revenant à son thème favori : « Mais il n’est pas facile, poursuivit-il, de se rendre digne de gouverner une telle nation.

— Votre Majesté a déjà fait beaucoup pour la Russie.

— Je crains quelquefois de n’avoir pas fait tout ce que j’aurais pu faire. »

Ce mot chrétien, parti du fond du cœur, me toucha aux larmes ; il me fit d’autant plus d’impression que je me disais tout bas : l’Empereur est plus fin que moi ; s’il avait un intérêt quelconque à dire cela, il sentirait qu’il ne faut pas le dire. Il m’a donc montré là tout simplement un beau et noble sentiment, le scrupule d’un souverain consciencieux. Ce cri d’hu-