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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/69

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À la vérité, je me défends de toute ma force contre l’attrait qu’il exerce. Certes, je ne suis rien moins que révolutionnaire, mais je suis révolutionné ; voilà ce que c’est que d’être né en France et que d’y vivre. Je trouve encore une meilleure raison pour vous expliquer la résistance que je crois devoir opposer à l’influence de l’Empereur sur moi. Aristocrate par caractère autant que par conviction, je sens que l’aristocratie seule peut résister aux séductions comme aux abus du pouvoir absolu. Pourquoi la noblesse française n’a-t-elle pas toujours pensé là-dessus comme je pense. Sans aristocratie il n’y a que tyrannie dans les monarchies, comme dans les démocraties, le spectacle du despotisme me révolte malgré moi, et blesse toutes les idées de liberté qui ont leur source dans mes sentiments intimes et dans mes croyances politiques. Le despotisme naît de l’égalité universelle, aussi bien que de l’autocratie : le pouvoir d’un seul et le pouvoir de tous mène au même but. Sous la démocratie la loi est un être de raison ; sous l’autocratie la loi c’est un homme : même il est encore plus commode de traiter avec celui-ci qu’avec les passions de tous. La démocratie absolue est une force brutale, espèce de tourbillon politique, plus sourd, plus aveugle, plus imperturbable que l’orgueil d’aucun prince !!!… Nul aristocrate ne peut se soumettre sans répugnance à voir passer le niveau despotique