Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/70

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sur les peuples ; c’est pourtant ce qui arrive dans les démocraties pures comme dans les monarchies absolues.

Au surplus, il me semble que si j’étais souverain j’aimerais la société des esprits qui reconnaîtraient en moi l’homme à travers le prince, surtout si, dépouillé de mes titres et réduit à moi-même, j’avais encore le droit d’être jugé un homme sincère, ferme et probe. Interrogez-vous sérieusement, et dites-moi si, de tout ce que je vous ai raconté de l’Empereur Nicolas depuis mon arrivée en Russie, il résulte que ce prince soit au-dessous de l’idée que vous vous étiez formée de son caractère avant d’avoir lu mes lettres. Votre réponse, si elle est sincère, sera ma justification[1].

Nos fréquents entretiens en public m’ont valu ici de nombreuses connaissances et reconnaissances. Plusieurs personnes que j’avais rencontrées ailleurs, se jettent à ma tête ; mais seulement depuis qu’elles m’ont vu l’objet de la bienveillance particulière du maître ; notez que ces personnes sont des premières de la cour ; mais c’est l’habitude des gens du monde,

  1. Plusieurs Russes en m’accusant d’exagération ne se sont pas fait faute, pour appuyer ce reproche, de citer les éloges que je donne au souverain qui les gouverne. « Il a tout grandi, disent-ils très-bas, même l’Empereur. » Cette critique, qu’ils n’ont point osé imprimer, me flatte et me justifie : un livre est un cadre, et toute peinture gagne à être encadrée.