Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/86

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drame réel et terrible, voilà ce qu’on aperçoit du premier coup d’œil à Saint-Pétersbourg.

Je vous ai parlé du malheur des arbres condamnés à servir d’ornement à la Perspective Newski : ces pauvres bouleaux malingres vivent tout juste assez pour ne pas mourir ; ils seront bientôt aussi à plaindre que les ormes des boulevards et des champs Élysées de Paris, que nous voyons lentement dépérir, piqués au cœur par les boutiquiers qu’ils offusquent, desséchés par le gaz et à demi enterrés dans le bitume : triste spectacle offert pendant la belle saison aux habitués de Tortoni et du cirque olympique. Les arbres de Pétersbourg n’ont pas un meilleur sort : l’été la poussière les ronge, l’hiver la neige les ensevelit ; puis le dégel les écorche, les coupe, les déracine.

La nature et l’histoire ne sont pour rien dans la civilisation russe ; rien n’est sorti du sol ni du peuple : il n’y a pas eu de progrès ; un beau jour tout fut importé de l’étranger. Dans ce triomphe de l’imitation il y a plus de métier que d’art : c’est la différence d’une gravure à un dessin. Le talent du graveur ne s’exerce que sur les idées des autres.

Nul étranger, dit-on, ne peut se figurer le bouleversement des rues de Pétersbourg à la fonte des neiges. Durant les quinze jours qui suivent la débâcle, la Néva charrie des blocs de glace ; tous les ponts