Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/35

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« Elle parcourrait la terre entière, disait mon ami, effrayé de l’effet qu’il venait de produire sur moi.

— Raison de plus pour la faire connaître, répondis-je.

— Impossible. Il y va de l’existence de plusieurs individus ; on ne me l’a prêtée que pour vous la montrer sous parole d’honneur et à condition qu’elle sera rendue dans une demi-heure. »

Malheureux pays, où tout étranger apparaît comme un sauveur aux yeux d’un troupeau d’opprimés, parce qu’il représente la vérité, la publicité, la liberté chez un peuple privé de tous ces biens.

Avant de vous dire ce que contient cette lettre, il faut vous conter en peu de mots une lamentable histoire. Vous en connaissez les principaux faits, mais vaguement, comme tout ce qu’on sait d’un pays lointain et auquel on ne prend qu’un froid intérêt de curiosité : ce vague vous rend cruel et indifférent comme je l’étais avant de venir en Russie : lisez et rougissez ; oui, rougissez, car quiconque n’a pas protesté de toutes ses forces contre la politique d’un pays où de pareils actes sont possibles, et où l’on ose dire qu’ils sont nécessaires, en est jusqu’à un certain point complice et responsable.

Je renvoie les chevaux par mon feldjæger sous prétexte d’indisposition subite, et je le charge de dire à la poste que je ne partirai que demain ; débarrassé