Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/397

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gré mes souvenirs du Gymnase. Quand une pièce est vraiment spirituelle, il y a plusieurs manières de la jouer : les ouvrages qui perdent tout en pays étranger sont ceux où l’auteur demande à l’acteur l’esprit du personnage, et c’est ce que MM. Mélesville et Duveyrier dans le Michel Perrin n’ont pas fait de madame de Bawr.

J’ignore jusqu’à quel point les Russes entendent notre théâtre : je ne me fie pas trop au plaisir qu’ils ont l’air de prendre à la représentation des comédies françaises ; ils ont le tact si fin qu’ils devinent la mode avant qu’elle soit proclamée ; ceci leur épargne l’humiliation d’avouer qu’ils la suivent. La délicatesse de leur oreille et les sons variés des voyelles, la multitude des consonnes, les divers genres de sifflements auxquels il faut s’exercer pour parler leur langue, les habituent dès l’enfance à vaincre toutes les difficultés de la prononciation. Ceux mêmes qui ne savent dire que peu de mots français les articulent comme nous. Par là ils nous font une illusion perfide ; nous croyons qu’ils entendent notre langue aussi bien qu’ils la parlent et nous sommes dans l’erreur. Le petit nombre de ceux qui ont voyagé ou qui sont nés dans un rang où l’éducation est nécessairement très-soignée, comprennent seuls la finesse de l’esprit parisien ; nos plaisanteries et nos délicatesses échappent à la masse. Nous nous défions