Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/70

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cœur des justes. La foi durera sur la terre autant que l’inexplicable et l’incompréhensible.

Dans un monde où tout est mystère, depuis la grandeur et la décadence des nations jusqu’à la reproduction et la disparition d’un brin d’herbe, où le microscope nous en apprend autant sur l’intervention de Dieu dans la nature, que le télescope dans le ciel, que la renommée dans l’histoire, la foi se fortifie de l’expérience de chaque jour, car elle est la seule lumière analogue aux besoins d’un être entouré de ténèbres, avide de certitude, et qui de sa nature n’atteint qu’au doute.

Si nous étions destinés à souffrir l’ignominie d’une nouvelle invasion, le triomphe des vainqueurs ne m’attesterait que les fautes des vaincus.

Aux yeux de l’homme qui pense, le succès ne prouve rien, si ce n’est que la vie de la terre n’est ni le premier ni le dernier mode de la vie humaine. Laissons aux Juifs leur croyance intéressée et rappelons-nous le mot de Jésus-Christ : Mon royaume n’est pas de ce monde.

Ce mot si choquant pour l’homme charnel, on est bien forcé de le répéter à chaque pas qu’on fait en Russie ; à la vue de tant de souffrances inévitables, de tant de cruautés nécessaires, de tant de larmes non essuyées, de tant d’iniquités volontaires et involontaires, car ici l’injuste est dans l’air ; devant