Les derniers moments de mon séjour à Pétersbourg furent employés à visiter divers établissements que
personnes qui sont des plus recommandables de ce pays d’honnêtes
gens. Il me dit qu’il était avocat, et il me raconta qu’on l’avait
retenu dans la prison de Moscou pendant trois semaines, dont
quatre jours au cachot. Vous allez voir, d’après son récit, de
quelle manière un prisonnier est traité dans ce séjour. Mon imagination
n’avait pas approché de la réalité.
Les deux premiers jours on l’a laissé sans nourriture ; jugez de
ses angoisses ! Personne ne l’interrogeait, il était seul ; il se crut
pendant quarante-huit heures destiné à mourir de faim, ignoré
dans sa prison. L’unique bruit qu’il entendit, c’était le retentissement
des coups de verges dont on frappait, depuis cinq heures du
matin jusqu’au soir, les malheureux esclaves envoyés par leurs
maîtres dans cette maison pour y recevoir correction. Ajoutez à
ce bruit affreux les sanglots, les pleurs, les hurlements des victimes,
les menaces, les imprécations des bourreaux, et vous aurez
une légère idée du traitement moral auquel notre malheureux
compatriote fut soumis pendant quatre mortelles journées ; et toujours
sans savoir par quel motif.
Après avoir ainsi pénétré, bien malgré lui, dans le profond
mystère des prisons russes, il se crut à trop juste titre condamné
à y finir ses jours, se disant non sans fondement : « Si l’on avait
l’intention de me relâcher, ce n’est pas ici que m’auraient enfermé
d’abord des hommes qui ne craignent rien tant que de voir divulguer
le secret de leur barbarie. »
Une mince et légère cloison séparait seule son étroit cachot de
la cour intérieure où se faisaient les exécutions.
Ces verges qui, depuis l’adoucissement des mœurs, remplacent
le plus ordinairement le knout, de mongolique mémoire, sont un
roseau fendu en trois, instrument qui enlève la peau à chaque
coup ; au quinzième, le patient perd presque toujours la force de