Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 4, Amyot, 1846.djvu/307

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Le voisinage du pôle est contraire aux arts, excepté à la poésie, à qui parfois l’âme humaine suffit ; alors c’est le volcan sous la glace. Mais pour les habitants de ces âpres climats, la musique, la peinture, la danse, tous les plaisirs de sensation qui, jusqu’à un certain degré, sont indépendants de la pensée, perdent de leurs charmes en perdant leurs organes. Que me feraient Rembrant la nuit, et le Corrége, et Michel-Ange, et Raphaël dans une chambre sans lumière ? Le Nord a des beautés sans doute, mais c’est un palais qui manque de jour. L’amour plus dégagé des sens y naît des désirs physiques moins que des besoins du cœur ; mais, n’en déplaise au vain luxe du pouvoir et de l’opulence, tout le séduisant cortége de la jeunesse avec ses jeux, ses grâces, ses ris, ses danses, s’arrête aux régions bénies où les rayons du soleil, sans se contenter de glisser sur la terre qu’à peine ils effleurent, la réchauffent et la fécondent en l’éclairant du haut du ciel.

En Russie tout se ressent d’une double tristesse : la peur du pouvoir, l’absence du soleil !!… Les danses nationales y ressemblent tantôt à une ronde menée par des ombres, défilant tristement à la lueur d’un crépuscule qui ne finit jamais ; tantôt, et c’est

    ouvrages de Raphaël ; mais j’ai surtout été frappé de la beauté de celui-ci.