Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 4, Amyot, 1846.djvu/308

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lorsqu’elles sont vives, à un exercice qu’on s’impose de peur de s’endormir et de geler en dormant. Mademoiselle Taglioni elle-même… hélas !… Mademoiselle Taglioni ne s’est-elle pas métamorphosée à Saint-Pétersbourg en une danseuse parfaite ? Quelle chute pour la Sylphide !!!… c’est l’histoire d’Ondine devenue simple femme… Mais quand elle marche dans les rues,… car elle marche à présent !… elle est suivie par des laquais en grande livrée avec de belles cocardes à leurs chapeaux et des galons d’or, et on l’accable tous les matins dans les journaux d’articles pleins de louanges les plus ridicules que j’aie lues. Voilà ce que les Russes, avec tout leur esprit, savent faire pour les arts et pour les artistes. Ce qu’il faut aux artistes, c’est un ciel qui les fasse naître, un public qui les comprenne, une société qui les inspire… Voilà le nécessaire : les récompenses sont de surérogation ; on les leur donne par surcroît, comme dit l’Évangile. Ce n’est pas dans un Empire dont le peuple, refoulé de force non loin de la terre des Lapons, et police de force par Pierre Ier, qu’il faut aller chercher ces choses. J’attends les Russes à Constantinople pour savoir ce dont ils sont capables en fait de beaux-arts et de civilisation.

La meilleure manière de protéger les arts, c’est d’avoir sincèrement besoin des plaisirs qu’ils procurent ; une nation parvenue à ce point de civilisation