Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 4, Amyot, 1846.djvu/443

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rité Sa Majesté. Sur la demande de Melgunof en quoi consistaient ces pétitions, Élisabeth répondit : « Notre père et nous, quand nous étions encore jeunes, nous avons demandé qu’on nous élargit ; quand notre père est devenu aveugle, et que nous sommes devenus grands, nous avons demandé la permission de nous promener, mais nous « n’avons reçu aucune réponse là-dessus. »

Melgunof ayant assuré Élisabeth qu’elle avait tort de croire que l’Impératrice fût irritée contre eux, lui demanda : « Où donc votre père avait-il dessein d’aller avec vous ? » Elle lui dit : « Notre père voulait s’en aller dans son pays ; alors nous aurions bien désiré vivre dans le grand monde. Dans notre jeunesse, nous désirions encore acquérir l’usage du monde : mais dans notre situation actuelle, il ne nous reste plus rien à désirer, sinon de vivre et de mourir ici dans la solitude. Ici, par la grâce de l’Impératrice, notre bienfaitrice, nous sommes tout à fait contents. Jugez vous-même ; pouvons-nous désirer quelque chose de plus ? Nous sommes nés ici, nous sommes accoutumés à ces lieux, nous y avons vieilli. À présent nous n’avons pas besoin du monde, il nous serait même insupportable, car nous ne savons pas comment nous conduire avec les gens, et il est trop tard pour l’apprendre. Ainsi nous vous prions, ajouta-t-elle avec des larmes et des génuflexions, de nous recommander à la merci de Sa Majesté, afin qu’il nous soit permis seulement de sortir de la maison pour aller nous promener dans la prairie ; nous avons entendu dire qu’il y a là des fleurs qu’on ne trouve pas dans notre jardin. Le lieutenant-colonel et les officiers qui sont dans ce moment auprès de nous sont mariés ; nous demandons qu’on permette à leurs femmes de venir chez