Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 4, Amyot, 1846.djvu/51

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dont je doive être émerveillé ? je n’admire point le colosse d’un singe. C’est dommage pour vos artistes que le bon Dieu ait mis encore autre chose que de l’obéissance et de l’autorité dans les fondements des sociétés destinées à éclairer le genre humain.

Telle était la colère dont je réprimais l’explosion, mais les pensées vives se font jour à travers le front ; mon dédaigneux voyageur les devina, je crois, car il ne m’adressa plus la parole, si ce n’est pour me dire nonchalamment qu’il avait vu des oliviers en Crimée et des mûriers à Kiew.

Quant à moi, je me félicite de n’être venu en Russie que pour peu de temps ; un long séjour dans ce pays m’ôterait non-seulement le courage, mais l’envie de dire la vérité sur ce que j’y vois et sur ce que j’y entends. Le despotisme inspire l’indifférence et le découragement, même aux esprits les plus déterminés à lutter contre ses abus criants.

Le dédain de ce qu’ils ne connaissent pas me paraît un des traits les plus frappants du caractère des Russes. Au lieu de tâcher de comprendre, ils essaient de se moquer. S’ils réussissent jamais à mettre au jour leur vrai génie, le monde verra, non sans quelque surprise, que c’est celui de la caricature. Depuis que j’étudie l’esprit des Russes et que je parcours la Russie, ce dernier venu des États inscrits sur le grand livre de l’histoire européenne, je vois