compliquées, et qui, pour être attribuées à l’intelligence, supposeraient une prévoyance et des connaissances infiniment supérieures à celles qu’on peut admettre dans les espèces qui les exécutent. Ces actions, produites par l’instinct, ne sont point non plus l’effet de l’imitation, car les individus qui les pratiquent ne les ont souvent jamais vu faire à d’autres ; elles ne sont point en proportion avec l’intelligence ordinaire, mais deviennent plus singulières, plus savantes, plus désintéressées, à mesure que les animaux appartiennent à des classes moins élevées, et, dans tout le reste, plus stupides. Elles sont si bien la propriété de l’espèce, que tous les individus les exercent de la même manière sans y rien perfectionner.
Ainsi les abeilles ouvrières construisent, depuis le commencement du monde, des édifices très ingénieux, calculés d’après la plus haute géométrie, et destinés à loger et nourrir une postérité qui n’est pas même la leur. Les abeilles et les guêpes solitaires forment aussi des nids très compliqués pour y déposer leurs œufs. Il sort de cet œuf un ver qui n’a jamais vu sa mère, qui ne connaît point la structure de la prison où il est enfermé et qui, une fois métamorphosé, en construit cependant une parfaitement semblable pour son propre œuf.
On ne peut se faire d’idée claire de l’instinct, qu’en admettant que ces animaux ont dans leur sensorium des images ou sensations innées et constantes,