Page:Cuvier - Recueil des éloges historiques vol 1.djvu/406

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

À peu près à l'époque où M. Desessarts publia son ouvrage, J.-J. Rousseau travaillait à l’Émile. Son projet n’était pas d’abord de s’occuper des soins du premier âge ; un de ses amis lui parla du traité qui venait de paraître, et l'engagea à le parcourir. Vivement frappé de tout ce qu’il y trouve de neuf et d’utile, Rousseau agrandit son propre plan, remonte et l'instant de la naissance, et trace ces pages d’une énergie sublime qui commencent son livre. Le ton décisif, les traits mordants du philosophe, l’amère âpreté de ses reproches, tirent plus d’effet que tous les raisonnements du médecin. Les femmes, émues, revinrent en rougissant aux devoirs de la nature ; elles en goûtèrent les charmes avec étonnement, et la révolution fut consommée.

Mais, comme tout ce qui se fait par passion, elle alla peut-être trop loin : sous prétexte de ne rien admettre que de naturel, oubliant que c’est la nature elle-même qui donne aux animaux l’instinct de tenir chaudement leurs petits, Rousseau recommandait des lotions d’eau froide, et il voulait qu’on exposât dès les premiers jours les enfants a l'air vif ; il proscrivait toute espèce de remèdes, et, portant ainsi à l’excès sa prétendue imitation de la nature, il a occasionné beaucoup de maux, que l’on eût évités si l’on s’en fût tenu au juste milieu indiqué par les médecins.

Un compatriote de Rousseau, dont l'ouvrage parut à peu près au même temps que l’Émile, le Dr Balxerd, s’accorda avec M. Desessarts dans le choix de ces méthodes modérées ; et l'expérience journalière vient à l'appui de leur doctrine.