Page:Cyrano de Bergerac - Œuvres, 1676, volume 1.djvu/113

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pouvoir mourir. Penſe-t’il ſe rendre fort recommandable, pour témoigner qu’il s’ennuye de ne pas retourner à la nuit ſa premiere maiſon, eſt-ce qu’il a peur du Soleil ? Helas ! le pauvre bufle, s’il ſçavoit ce que c’eſt que d’eſtre trépaſſé, rien ne le prefferoit. Un homme ne fait rien d’illuſtre qui devant trente ans met ſa vie en danger, parce qu’il expoſe ce qu’il ne connoiſt pas ; mais lors qu’il la hazarde depuis cét âge-là, je ſoûtiens qu’il eſt enragé de la riſquer, l’ayant connuë. Quant à moy je trouve le jour tres-beau, & je n’aime point à dormir ſous terre, à cauſe qu’on n’y voit goutte. Qu’il ne s’enfle point pourtant de ce refus, car je veux bien qu’il ſçache que je ſçay une botte à tuer meſme un Geant charmé, & qu’à cauſe de cela je ne veux point me battre, de peur qu’on ne l’apprenne. Il y a encore cent autres raiſons qui me font abhorrer le Duel ; Moy j’irois ſur le pré, & là fauché parmy l’herbe m’embarquer poſſible pour l’autre monde : Helas ! mes creanciers n’attendent que cela pour m’accuſer de banqueroute ; mais penſeroit-il meſme m’avoir mis à jubé, quand il m’auroit oſté la vie, au contraire j’en deviendrois plus terrible, & je ſuis aſſuré qu’il ne pourroit me regarder quinze jours