Page:Cyrano de Bergerac - Œuvres, 1676, volume 1.djvu/114

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aprés, ſans que je luy fiſſe peur. S’il aſpire à la gloire de m’avoir égorgé pourveu que je me porte bien, je luy permets de ſe vanter par tout d’eſtre mon bourreau ; auſſi-bien quand il m’auroit tué, la gloire ne ſeroit pas grande, une poignée de cyguë en feroit bien autant. Il va s’imaginer peut-eſtre que la Nature m’a fort mal-traitté en me refuſant du courage ; mais qu’il apprenne que la Nature ne ſçauroit nous joüer un plus vilain trait, que de ſe ſervir contre nous de celuy du fort ; que la moindre Puce en vie, vaut mieux que le grand Alexandre decedé ; & qu’enfin je me ſens indigne d’obliger des Torches beniſtes à pleurer ſur mes armoiries : J’aime veritablement qu’on me flate de toutes les qualitez d’un bel eſprit, horſmis de celle d’heureuſe memoire, qui m’eſt inſupportable, & pour cauſe ; Une autre raiſon me défend encore les batailles ; J’ay compoſé mon Epitaphe, dont la pointe eſt fort bonne, pourveu que je vive cent ans ; & j’en ruinerois la rencontre heureuſe, ſi je m’hazardois de mourir plus jeûne : Ajoutez à cela que j’abhorre ſur toutes choſes les maladies, & qu’il n’y a rien de plus nuiſible à la ſanté que la mort ; Ne vaut-il donc pas bien mieux s’encourager à devenir Pol-