Page:Cyrano de Bergerac - Œuvres, 1676, volume 1.djvu/124

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vous mouriez dés aujourd’huy, vous avez l’impudence de boire & de manger, comme ſi vous n’eſtiez pas mort. Ah ! je vous proteſte de renverſer ſur vous un ſi long aneantiſſement, qu’il ne ſera pas vray de dire que vous ayez jamais vécu ; Vous eſperez ſans doute m’attendrir par la dedicace de quelque ennuyeux Burleſque ; Point, point, je ſuis inexorable, je veux que vous mouriez tout preſentement ; puis ſelon que ma belle humeur me rendra miſericordieux, je vous reſſuſciteray pour lire ma Lettre, auſſi bien quand pour regagner mes bonnes graces, vous me dedierez une Farce ; je ſçay que tout ce qui eſt ſot ne fait pas rire, & qu’encore que pour faire quelque choſe de bien ridicule, vous n’ayez qu’à parler ſerieuſement, voſtre Poeſie eſt trop des Halles, & je penſe que c’eſt la raiſon pourquoy voſtre Jugement de Pâris n’a point de debit : Donc ſi vous m’en croyez, ſauvez-vous au Barreau des ruades de Pegaſe ; vous y ſerez ſans doute un Juge incorruptible, puis que voſtre Jugement ne ſe peut acheter. Au reſte ce n’eſt point de voſtre Libraire ſeul, que j’ay appris que vous rimaſſiez : Je m’en doutois déja bien, parce que c’eût eſté un grand miracle ſi les Vers ne s’eſtoient pas mis