Page:Cyrano de Bergerac - Œuvres, 1676, volume 1.djvu/129

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j’ay perduës en perdant voſtre amitié, me perſuadent enfin de me repentir d’avoir ſi fort contribué à ſa perte ; & ſi je ſuis en diſgrace, je confeſſe que je la merite, pour ne m’eſtre pas conſervé plus ſoigneuſement, & l’eſtime & la veuë d’une perſonne qui fait paſſer les moindres, dont il eſt viſité, ſous le titre de Comtes & de Marquis : Certes, Monſieur, vous vous faites le Pere de force grands Seigneurs qui ne croyoient pas l’eſtre, & je commence à m’appercevoir que j’ay tort d’avoir ainſi negligé ma fortune, car j’aurois poſſible gagné à ce jeu-là une Principauté. Quelques-uns blâment cette humeur prodigue ; mais ils ne ſçavent pas que ce qui vous engage à ces magnificences, eſt le paſſionné deſir qui vous emporte pour la multiplication de la Nobleſſe & que c’eſt pour cela, que ne pouvant mettre au jour de Gentils-hommes ſelon la chair, vous en voulez du moins produire ſpirituellement. Les Autheurs Romaneſques que vous connoiſſez donnent bien des Empires, à tel qui ſouvent n’avoit pas poſſedé deux arpens de terre ; mais voſtre talent eſt ſi égal au leur, qu’il vous met en droit d’uſer des meſmes privileges : On ſçait aſſez que tous ces grands Autheurs ne parlent pas mieux que vous,