Page:Cyrano de Bergerac - Œuvres, 1676, volume 1.djvu/20

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vement quelque chaleur qui nous pût ſoulager, il les a cloüées contre leur lit. Mais il fait encore bien pis ; car pour nous effrayer par l’image meſme des prodiges qu’il invente à noſtre deſtruction, il nous fait prendre la glace pour une lumiere endurcie, un jour petrifié, un ſolide neant, ou quelque Monſtre épouvantable, dont le corps n’eſt qu’un œil. La Seine au commencement effrayée des larmes du Ciel, s’en troubla, & aprehendant une ſuite plus funeſte à la fortune de ſes habitans, elle s’eſt roidie contre le poids qui l’entraiſne, s’eſt ſuſpenduë, & s’eſt liée elle-meſme pour s’arreſter, afin d’eſtre toûjours preſente aux beſoins que nous pourrions avoir d’elle. Les Hommes épouvantez à leur tour des prodiges de cette effroyable Saiſon, en tirent des préſages proportionnez à leur crainte ; S’il neige, ils s’imaginent que c’eſt peut-eſtre au Firmament le chemin de lait qui ſe diſſout, que cette perte fait de rage écumer le Ciel, & que la Terre tremblant pour ſes enfans, en blanchit de frayeur. Ils ſe figurent que l’Univers eſt une tarte que l’Hyver ce grand Monſtre ſucre pour l’avaler ; Que peut-eſtre la neige eſt l’écume des Plantes qui meurent enragées, & que les vents qui ſoufflent tant de froid, ſont les derniers ſoûpirs