SUR L’OMBRE
QUE FAISOIENT DES
ARBRES DANS L’EAU.
ONSIEUR,
Le ventre couché ſur le gaſon d’une Riviere & le dos étendu ſous les branches d’un Saule qui ſe mire dedans, je voy renouveller aux Arbres l’Hiſtoire de Narciſſe ; cent Peupliers precipitent dans l’onde cent autres Peupliers, & ces aquatiques ont eſté tellement épouvantez de leur cheute, qu’ils tremblent encore tous les jours du vent qui ne les touche pas ; je m’imagine que la nuit ayant noircy toutes choſes, le Soleil les plonge dans l’eau pour les laver : mais que diray-je de ce miroir fluide, de ce petit monde renverſé, qui place les Chênes au deſſous de la mouſſe, & le Ciel plus bas que les Chênes ? Ne ſont-ce point de ces Vierges de jadis metamorphoſées en arbres, qui deſeſperées de ſentir violer leur pudeur par les baiſers