Page:Cyrano de Bergerac - Œuvres, 1676, volume 1.djvu/57

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d’une piece de Camelot qu’on déchire, & l’on diroit à voir la nuë ſanglante & groſſe comme elle eſt, qu’elle va ébouler ſur nous, non la foudre, mais le Mont Ætna tout entier. Ô Dieu ! ſommes nous tant de choſe pour avoir excité de la jalouſie entre les Elemens à qui nous perdra le premier : C’eſt donc à deſſein que l’eau va juſques aux mains de Jupiter, éteindre la flâme des éclairs, pour arracher au feu l’honneur de nous avoir brûlé ; mais non contente de cela nous faiſant engloutir aux abîmes qu’elle creuſe dans ſon ſein, comme elle void noſtre Vaiſſeau tout proche de ſe caſſer contre un écueil, elle ſe jette vîtement deſſous, & nous releve de peur que cét autre Element ne participe à la gloire qu’elle pretend toute ſeule. Ainſi nous avons le creve-cœur de voir diſputer à nos ennemis, l’honneur d’une défaite où nos vies ſeront les dépoüilles ; elle prend bien quelquefois la hardieſſe, l’inſolente, de ſoüiller avec ſon écume l’azur du Firmament, & de nous porter ſi haut entre les Aſtres, que Jaſon peut penſer que c’eſt le Navire Argo qui commence un ſecond Voyage : puis dardez que nous ſomnes juſqu’au ſablon de ſon lit, nous rejalliſſons à la lumiere d’un tour de main ſi prompt,