Page:Cyrano de Bergerac - Œuvres, 1676, volume 1.djvu/70

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nant cette Prairie pour une mer fort calme, mais aux moindres zephyrs qui ſe preſentent pour y folaſtrer, ce n’eſt plus qu’un ſuperbe Ocean, coupé de vagues & de flots, dont le viſage orgueilleuſement renfrogné, menace d’engloutir ces petits temeraires ; mais parce que cette mer n’offre point de rivage, l’œil comme épouvanté d’avoir couru ſi loin ſans découvrir le bord, y envoye vîtement la penſée, & la penſée doutant encore que ce terme qui finit ſes regards ne ſoit celuy du monde, veut quaſi nous perſuader que des lieux ſi charmans auront forcé le Ciel de ſe joindre à la Terre. Au milieu d’un tapis ſi vaſte & ſi parfait, court à boüillons d’argent, une fontaine ruſtique, qui voit les bords de ſon lit émaillez de Jaſmins, d’Orangers & de Mirthes ; & ces petites fleurs qui ſe preſſent tout à l’entour, font croire qu’elles diſputent à qui ſe mirera la premiere. À conſiderer ſa face jeune & polie comme elle eſt, qui ne montre pas la moindre ride, il eſt bien aiſé de juger qu’elle eſt encore dans le ſein de ſa mere ; & les grands cercles dont elle ſe lie, & s’entortille ſoy-meſme, témoignent que c’eſt à regret qu’elle ſe ſent obligée de ſortir de ſa maiſon natale ; mais j’admire ſur toutes