Page:Cyrano de Bergerac - Œuvres, 1676, volume 1.djvu/87

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toûjours écrit ce qu’ils ont crû : Souvent les Loix & la Religion de leur Païs, les a contraints d’accommoder leurs preceptes à l’intereſt & au beſoin de la Politique. C’eſt pourquoy on ne doit croire d’un homme que ce qui eſt humain, c’eſt à dire poſſible & ordinaire ; Enfin je n’admets point de Sorciers à moins qu’on ne me le prouve. Si quelqu’un par des raiſonnemens plus forts & plus preſſans que les miens, me le peut démontrer, ne doutez point que je ne luy diſe, ſoyez, Monſieur, le bien venu, c’eſt vous que j’attendois, je renonce à mes opinions, & j’embraſſe les voſtres, autrement qu’auroit l’habile par-deſſus le ſot, s’il penſoit ce que penſe le ſot ? Il doit ſuffire au peuple qu’une grande ame faſſe ſemblant d’acquieſcer aux ſentimens du plus grand nombre, pour ne pas reſiſter au torrent, ſans entreprendre de donner des menotes à ſa raiſon ; au contraire un Philoſophe doit juger le vulgaire, & non pas juger comme le vulgaire. Je ne ſuis point pourtant ſi déraiſonnable, qu’aprés m’être ſouſtrait à la tyrannie de l’authorité, je veüille établir la mienne ſans preuve ; c’eſt pourquoy vous trouverez bon que je vous apprenne les motifs que j’ay eu de douter de tant d’effets étranges qu’on