Page:Cyrano de Bergerac - L autre monde ou Les états et empires de la lune et du soleil, nouv éd, 1932.djvu/303

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qu’ils en purent découvrir. Ainsi l’espèce étant perdue, c’est pour cela qu’on ne trouve plus aucun ami véritable.

« À mesure donc que ces arbres furent consumés par le feu, les pluies qui tombèrent dessus en calcinèrent la cendre, si bien que ce suc congelé se pétrifia de la même façon que l’humeur de la fougère brûlée se métamorphose en verre ; de sorte qu’il se forma, par tous les climats de la Terre, des cendres de ces arbres jumeaux, deux pierres métalliques qu’on appelle aujourd’hui le fer et l’aimant, qui à cause de la sympathie des fruits de Pylade et d’Oreste, dont ils ont toujours conservé la vertu, aspirent encore tous les jours de s’embrasser ; et remarquez que si le morceau d’aimant est plus gros, il attire le fer ; ou si la pièce de fer excède en quantité, c’est elle qui attire l’aimant, comme il arrivoit jadis dans le miraculeux effet des pommes de Pylade et d’Oreste, de l’une desquelles quiconque avoit mangé davantage étoit le plus aimé par celui qui avoit mangé de l’autre.

« Or le fer se nourrit d’aimant, et l’aimant se nourrit de fer si visiblement, que celui-là s’enrouille et celui-ci perd sa force, à moins qu’on les produise l’un à l’autre pour réparer ce qui se perd de leur substance.

« N’avez-vous jamais considéré un morceau d’aimant appuyé sur de la limaille de fer ? Vous voyez l’aimant se couvrir, en un tournemain, de ces atomes métalliques ; et l’amoureuse ardeur avec laquelle ils s’accrochent est si subite et si impatiente, qu’après s’être embrassés partout, vous diriez qu’il n’y a pas un grain d’aimant qui ne veuille baiser un grain de fer, et pas un grain de fer qui ne veuille s’unir avec un grain d’aimant ; car le fer ou l’aimant séparés, envoient continuellement de leur masse les petits corps les plus mobiles à la quête de ce qu’ils aiment. Mais quand ils l’ont trouvé, n’ayant plus rien à désirer, chacun termine ses voyages, et l’aimant occupe son repos