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Page:Cyrano de Bergerac - L autre monde ou Les états et empires de la lune et du soleil, nouv éd, 1932.djvu/97

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liste, et vous. Vous savez bien comment les deux premiers en furent bannis, mais vous ne savez pas comment ils arrivèrent en votre Monde. Sachez donc qu’après avoir tâté tous deux de la pomme défendue, Adam, qui craignoit que Dieu, irrité par sa présence, ne rengrégeât sa punition, considéra la Lune, votre Terre, comme le seul refuge où il se pouvoit mettre à l’abri des poursuites de son Créateur. Or en ce temps-là, l’imagination chez l’homme étoit si forte, pour n’avoir point encore été corrompue, ni par les débauches, ni par la crudité des alimens, ni par l’altération des maladies, qu’étant alors excité au violent désir d’aborder cet asile, et que sa masse étant devenue légère par le feu de cet enthousiasme, il y fut enlevé de la même sorte qu’il s’est vu des Philosophes, leur imagination fortement tendue à quelque chose, être emportés en l’air par des ravissemens que vous appelez extatiques. Ève que l’infirmité de son sexe rendoit plus foible et moins chaude, n’auroit pas eu sans doute l’imaginative assez vigoureuse pour vaincre par la contention de sa volonté le poids de la matière, mais parce qu’il y avoit très peu qu’elle avoit été tirée du corps de son mari, la sympathie dont cette moitié étoit encore liée à son tout, la porta vers lui à mesure qu’il montoit, comme l’ambre se fait suivre de la paille, comme l’aimant se tourne au septentrion d’où il a été arraché, et attira cette partie de lui-même comme la mer attire les fleuves qui sont sortis d’elle. Arrivés qu’ils furent en votre terre, ils s’habituèrent entre la Mésopotamie et l’Arabie : les Hébreux l’ont connu sous le nom d’Adam et les idolâtres sous celui de Prométhée, que les Poètes feignirent avoir dérobé le feu du Ciel, à cause de ses descendans qu’il engendra pourvus d’une âme aussi parfaite que celle dont Dieu l’avoit rempli. Ainsi pour habiter votre monde, le premier homme laissa celui-ci désert ; mais le Tout-Sage